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Hémicycle du Sénat CL-Sénat

Qu'est-ce qu'une déclaration de "politique générale" ?

13 décembre 2016

Le mercredi 14 décembre 2016, le premier ministre fera une déclaration suivie d'un débat devant le Sénat. La veille, il aura engagé la responsabilité du gouvernement devant l'Assemblée nationale sur ce même texte de politique générale. Mais qu'est-ce que tout cela signifie concrètement ?

Essayons d'éclaircir tout cela...

Tout d'abord, reprenons l'essentiel :

La France est une démocratie...

La France est une démocratie. La démocratie, le "pouvoir du peuple", exige que ceux qui gouvernent soient "responsables" devant les gouvernés, c'est-à-dire que ces derniers puissent les forcer à démissionner s'ils n'en sont pas satisfaits. En France, les citoyens disposent de ce droit lors de chaque élection en choisissant, ou pas, de réélire les gouvernants.

... parlementaire...

La France est une démocratie parlementaire. Cela signifie qu'entre chaque élection, c'est le Parlement qui a la possibilité de forcer le Gouvernement à démissionner. On parle alors de "mise en cause de la responsabilité" du Gouvernement par le Parlement.

... "rationalisée".

Alors là, les choses se compliquent ("Elles étaient déjà compliquées !" disent certains) mais, pas de panique, tout va s'éclaircir !

Quelque chose de "rationalisé", c'est une chose qui fait appel à la raison et à la logique et qui est cadrée. Dans le cas qui nous intéresse ici, il s'agit d'éviter que le Parlement puisse "faire tomber" le Gouvernement n'importe quand et n'importe comment. Cela rendrait en effet difficile le gouvernement de la France.

C'est pourquoi la Constitution de la Ve République - le texte qui fixe les règles supérieures du fonctionnement actuel de notre démocratie - précise dans ses articles 49 et 50 dans quelles conditions et à quelles occasions le Gouvernement peut être renversé par le Parlement. 

C'est uniquement l'Assemblée nationale, élue au suffrage universel direct, qui peut renverser le Gouvernement. En contrepartie, elle peut être dissoute (c'est-à-dire que de nouvelles élections sont immédiatement organisées afin d'élire une nouvelle Assemblée) par le Président de la République. Le Sénat, lui, ne peut être dissout et ne peut renverser le Gouvernement. 

La mise en cause de la responsabilité du Gouvernement

Trois procédures de mise en cause de la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale existent :

1. l’engagement de la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou sur une déclaration de politique générale (article 49, alinéa premier) que l'on appelle souvent la question de confiance ;

Qui ?

C'est le premier ministre qui demande aux députés d'approuver, par un vote, le discours qu'il vient de présenter au nom de l'ensemble du Gouvernement. Autrement dit, c'est le premier ministre qui demande aux députés "Faites-vous confiance à moi et à mon gouvernement pour conduire la politique de la Nation ?".

Quand ?

Le premier ministre peut poser cette question de confiance à n'importe quel moment. C'est le plus souvent lorsqu'un nouveau gouvernement est formé, mais il n'y a aucune obligation.

Pour quoi ?

"Sur un programme ou un déclaration de politique générale" dit le texte de la Constitution. Mais en réalité aucune obligation de fond ou de forme n'existe et porte le nom de "déclaration de politique générale" ce que le premier ministre décidera d'appeler ainsi. Généralement toutefois, ce type de déclaration précise les grandes orientations du Gouvernement et les engagements qu'il souhaite prendre devant les députés.

Quelles conséquences ?

Si la déclaration de politique générale est approuvée (ce qui a toujours été le cas depuis 1958 !), il n'y a aucune conséquence. En revanche, si, à l'issue du débat suivant le déclaration du premier ministre, le vote est négatif (plus de la majorité des votes sont contre le Gouvernement), alors le premier ministre devra remettre au Président de la République la démission de son Gouvernement.

2. le dépôt d’une "motion de censure" à l’initiative des députés (article 49, alinéa 2) ;

Il s'agit ici de la possibilité pour 58 députés au minimum de déposer un texte dans lequel ils demandent la "censure du Gouvernement", ce qui revient à le forcer à démissionner. Ces motions peuvent être déposées à tout moment.

Lors du vote sur le texte, seuls les votes en faveur de la motion de censure sont comptabilisés. Cela veut dire que c'est à l'opposition de prouver que plus de la moitié des députés (289 députés) souhaite effectivement la chute du Gouvernement.

Une seule motion de censure a été adopté depuis 1958. Ce fut en 1962.

Ici aussi, si la motion de censure est adoptée, alors le Gouvernement est contraint de démissionner.

3.  l’engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le vote d’un texte (article 49, alinéa 3). (Sur le fonctionnement de cet article c'est par ici !)

Et au Sénat ?

Comme le Gouvernement ne peut dissoudre le Sénat, les sénateurs ne peuvent pas non plus renverser le Gouvernement. La règle veut qu'au moment où le premier ministre expose sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée, celle-ci est lue en parallèle à la tribune du Sénat par un autre membre du Gouvernement.

Mardi 13 décembre 2016, le Gouvernement donnera lecture devant le Sénat de la déclaration de politique générale du premier ministre.

En revanche, le premier ministre peut toujours demander l'approbation d'une déclaration de politique générale. Mais, même un vote négatif ne peut le pousser à la démission. Cela dit, politiquement un vote négatif du Sénat peut affaiblir le Gouvernement. C'est pourquoi ce type de déclaration est  peu utilisée par le Gouvernement.

Le premier ministre peut enfin faire, sur un sujet déterminé, une déclaration qui donne lieu à un débat et peut demander que cette déclaration fasse l'objet d'un vote (Art.51-1 de la Constitution). Mais, dans ce cas également, le vote n'engage pas la responsabilité du Gouvernement. 

Mercredi 14 décembre 2016, c'est dans ce cadre que Bernard Cazeneuve fera une déclaration devant le Sénat. Cette déclaration sera suivie d'un débat mais ne fera pas l'objet d'un vote.