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Savoir décrypter l'actualité

24 mars 2017

« Bien informés, les hommes sont des citoyens ; mal informés ils deviennent des sujets »
Alfred Sauvy

« Fake News » ou encore « théorie du complot »... tu entends certainement beaucoup parler de tout cela en ce moment.  L'information est aujourd'hui omniprésente. Avec les réseaux sociaux et internet, chacun peut publier une information, vraie ou fausse, ou relayer n'importe quelle actualité sans même l'avoir vérifiée.

Pourtant, si des médias d'investigation indépendants sont essentiels à une démocratie, des citoyens critiques et sachant décrypter l'actualité le sont tout autant.

Au final, qu'est-ce qu'une bonne info ? C'est avant tout une information vérifiée.  Sénat Junior t'explique pourquoi. 

La place des médias dans une démocratie
Liberté de la presse © Liloo106 Flickr

Avant tout il est important de répondre à la question : pourquoi des médias et, notamment la presse, libres et pluralistes (c'est-à-dire qui relayent et diffusent des idées différentes) sont indispensables à l'exercice de la démocratie ?

Tout simplement parce que la démocratie, en donnant le droit de vote aux citoyens et en leur permettant de participer aux décisions publiques, suppose que ces derniers soient en mesure de se faire une opinion. Et, pour ce faire, de disposer de toute l'information nécessaire à la construction de leur jugement.

Lorsqu’on accorde à chacun un droit à gouverner la société, il faut bien lui reconnaître la capacité de choisir entre les différentes opinions [...], et d’apprécier les différents faits dont la connaissance peut le guider.
Alexis de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique (Tome.2), 1848

Les médias contribuent à la qualité de la vie démocratique principalement de trois façons :

 

  • En rendant visibles les problèmes de société et les situations oubliées ou occultées afin de rendre compte du monde dans sa totalité et sa complexité ;
  • En faisant surgir les questionnements, les controverses, les conflits et les vrais problèmes de fond. Faire vivre le débat au-delà du simple débat politique en quelque sorte ;
  • En exerçant une fonction de contrôle et de surveillance. Sous la Révolution Française, on disait des journalistes qu'ils étaient des « avertisseurs publics ». Un grand journaliste français de cette époque, Brissot, écrivait : « La liberté de la presse est un des principaux moyens qu'a le peuple pour surveiller, éclairer, censurer ses représentants »

 

En France, c'est la loi du 29 juillet 1881 qui assure la liberté de la presse mais qui, également, pose des limites à cette liberté en sanctionnant les injures ou les mensonges à l'encontre des personnes. Tu l'as peut-être déjà vue inscrite sur un mur...

Cette petite vidéo explique bien pourquoi la liberté de la presse n'existe pas dans tous les pays :

De l'importance de savoir décrypter l'information

Aujourd'hui de nouveaux médias se sont imposés. Sur internet, des milliers de sites qui se disent "d'information" sont accessibles et les réseaux sociaux sont devenus les premiers relais d'une multitude d'informations diffusées à une vitesse jamais atteinte auparavant. 

Face à la surabondance d'informations, deux risques majeurs existent : l'uniformisation de l'information, d'une part (tout les sites se copient et propagent la même information), et l'émergence de fausses informations ou "fake news" qui peuvent se diffuser très rapidement grâce aux réseaux sociaux, d'autre part.

C'est pourquoi le décryptage de l’actualité est devenu un enjeu démocratique. S'éduquer dès le plus jeune âge aux médias et comprendre ce qu'est l'information est désormais capital afin que chacun puisse disposer des clés et des repères essentiels pour comprendre la société dans laquelle nous vivons.

Le danger de l'uniformisation de l'information

On l'a vu, l'information libre et pluraliste (la presse, les médias, Internet) est indispensable pour permettre l'exercice de la démocratie ; mais elle peut également être redoutable. Redoutable car en déformant ou en sélectionnant certaines informations ou opinions plutôt que d'autres, elle peut exercer une influence sur l'opinion publique et le libre exercice de la volonté des citoyens.

De nombreux sites d'informations et de journaux se contentent de reprendre, souvent par simple copier/coller, des dépêches d'agences de Presse, qui sont souvent à la source de l'information.

Une étude récente montrait à quel point ce phénomène était répandu. Le plus impressionnant est lorsque l'AFP (Agence française de presse) fait elle-même un article sur ce sujet et que celui-ci est repris par tous les médias...

Le problème, c'est que toutes les agences de presse ne sont pas aussi sérieuses que l'AFP et que certaines agences étrangères sont à la solde de gouvernements pas toujours démocratiques...

L'uniformisation de l'information est aussi le résultat d'une grande concentration des médias, ce qui est vivement critiqué. Pour être plus précis, ce qui est dénoncé, c'est le risque que ces médias, appartenant à de grands groupes industriels, relaient une information servant les intérêts de leur propriétaire et ne soient plus objectifs...

Pour de nombreuses personnes, cela revient à exercer une sorte de censure, volontaire ou non, tout aussi redoutable que peut l'être celle d'un État autoritaire. 

Face à cela, plusieurs solutions existent :

 

  • Par exemple favoriser le développement de médias dépendant principalement des abonnements de leurs lecteurs et non de la publicité ;
  • Ou encore, réguler le droit des médias afin d'éviter les trop grandes concentrations (c'est-à-dire qu'une même entreprise possède trop de journaux, chaînes de télé ou radios). 

 

Cette vidéo fait le point sur l'importance du pluralisme dans une société démocratique :


Le danger des "faits alternatifs" et "fake news"

L'actuel Président américain, Donald Trump, accuse régulièrement les grands médias américains comme CNN, de diffuser des "fake news" contre lui. Pourtant, il cite souvent pour appuyer ses accusations une autre chaîne américaine, Fox News, connue pour déformer régulièrement la vérité en construisant ce qu'on appelle des "faits alternatifs" qui se révèlent souvent, en réalité, des mensonges.

Face à cela, le risque c'est qu'on finisse par rejeter en bloc l'information et les médias en considérant que toute information émanerait d'un supposé "système" qui ne diffuserait que des "fake news" ou "fausses informations" visant à préserver les puissants. Une méfiance généralisée pousse de plus en plus de personnes à rejeter les faits les plus objectifs et à ne faire confiance qu'à leur intuition. Une étude de septembre 2016 montrait que seul 32 % des américains accordaient encore leur confiance aux médias traditionnels !

Internet a permis à chacun de prendre la parole. Certains y voient l'aboutissement d'une démocratie où chacun peut diffuser ses idées, et pensent que, de ce fait, la vérité finira toujours par s'imposer.

Mais, de nombreux exemples le montrent, une communication non régulée, comme c'est le cas sur les réseaux sociaux, n’a que peu de chance de promouvoir les opinions les plus informées, valides ou justifiées. C'est ce qu'avait résumé Alexis de Tocqueville (encore lui !) dans cette formule :

« Une idée simple mais fausse aura toujours plus de poids dans le monde qu'une idée vraie mais complexe. »
Alexis de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique, Tome 1, 1848

Il est capital de vérifier le contenu et la source de chaque information. La source d'une information, c'est son origine, sa provenance : ça n'est pas parce qu'une information est massivement relayée sur Facebook qu'elle est vraie ! Il faut privilégier les articles d'investigation et d'enquête émanant de grands médias reconnus et indépendants.

L'article ci-dessous (un peu compliqué) montre comment une rumeur peut continuer à être relayée sur internet pendant plusieurs années alors qu'elle a été démontrée comme étant fausse :

http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/03/22/macron-et-la-taxe-sur-les-loyers-fictifs-une-rumeur-qui-ne-meurt-jamais-en-six-points_5099077_4355770.html

Enfin, il est une règle importante à garder à l'esprit : on est toujours plus attentif à une information qui va dans le sens de ses convictions, même lorsque cette information est fausse. Au risque d'être enfermé dans ce qu'on appelle des "bulles d'informations" qui sont renforcées par le fonctionnement des moteurs de recherche ou des réseaux sociaux qui profilent ce que nous voyons en fonction de nos centres d'intérêts..

En fait, le premier réflexe à avoir face à une information est de l'étudier, et de tenter de la vérifier en cherchant d'autres sources, et ce surtout si l'on est persuadé qu'elle est vraie !

Pour aller plus loin