Vers un retour du service national ?
13 mars 2018
Si tu as un peu de temps devant toi, demande à ton père ou à ton grand-père de te raconter leur service militaire. Installe-toi confortablement, cela peut durer !
Parce que, jusqu’au 30 novembre 2001, date à laquelle les derniers « appelés du contingent » ont été « appelés sous les drapeaux », tous les jeunes hommes (ou presque) effectuaient un « service national » obligatoire. Et ce depuis la loi Berteaux de 1905.
C’est en 1996 que le Président de la République d’alors, Jacques Chirac, annonce sa volonté de professionnaliser les armées et donc de supprimer la « conscription ». Le texte de loi est discuté au Parlement en 1996 et 1997 et il est promulgué par le Président de la République le 28 octobre 1997 !
Lors de la campagne présidentielle de 2017, le futur Président Emmanuel Macron a annoncé son intention de créer un « service national universel » (SNU), obligatoire de un, trois ou six mois, pour les garçons et les filles.
On fait le point ?
Le roi Louis XII et son armée
Les armées des rois de France (et des autres souverains) étaient professionnelles, composées de mercenaires, de compagnies privées, chevaliers, nobles, militaires de carrière. Le Roi partant en guerre convoque le « ban » soit ses vassaux directs qui, eux, recrutent une troupe et convoquent leurs vassaux (« arrière ban »), et ainsi de suite.
Avec la Révolution française, une fois les volontaires de Valmy (1792) rentrés chez eux, la Convention décide en 1793 de la « levée en masse de l’an II » au cours de laquelle 300 000 hommes sont « appelés », par un tirage au sort qui concerne les célibataires ou veufs de 18 à 25 ans.
Sous Napoléon Ier, le système perdure et plus de 2 millions de Français bataillent aux côtés de l’Empereur, en France et en Europe. Beaucoup y laissent la vie.
La monarchie restaurée et le second Empire reprennent une armée de métier, à laquelle s’ajoute une troupe tirée au sort. Le service est long : 6 ans ! Mais il y a des moyens de se faire exempter : en payant quelqu’un pour prendre sa place puis, après 1855, en payant une taxe à l’État.
Avec la troisième République le service militaire devient, petit à petit, universel et obligatoire. On peut donc parler de « service national ». Le républicain Léon Gambetta justifie cette décision :
« Que pour tout le monde il soit entendu que quand en France un citoyen est né, il est né soldat »
En 1872, le service dure soit 5 ans, soit 6 mois ou peut-être même un an. C’est le tirage sort qui en décide pour les hommes entre 21 et 40 ans. En 1889, la durée maximale est ramenée à 3 ans.
En 1905, le tirage au sort est supprimé, il n’est plus possible de se faire remplacer et les exemptions disparaissent. Mais la durée du service est ramenée à deux ans.
En 1913, elle repasse à 3 ans et l’âge de départ est abaissé de 21 à 20 ans. On se prépare la guerre contre l’Allemagne !
Mobilisation générale de 1914
Pendant la Grande Guerre, évidemment, les conditions changent. Une « mobilisation générale » (1er août 1914) fait se retrouver sous les drapeaux plus de 3 millions d’hommes : les appelés (880 000), bien entendu, mais aussi les réservistes, qui ont déjà effectué leur temps militaire mais qui restent appelables : 2,2 millions d’hommes de la réserve de l’armée d’active (onze ans après la fin du service soit jusqu’à 34 ans), 700 000 hommes de l’armée territoriale (jusqu’à 41 ans) puis réserve de cette même armée de 42 à 48 ans. Sur la durée de la guerre, l’armée française incorporera près de 8 millions d’hommes (dont 1,4 million décéderont et plus de 4 millions seront blessés).
Après l’Armistice, les conscrits ne passent plus que 18 mois sous les drapeaux (1923) puis un an à partir de 1928. En 1935, la durée du service repasse à 2 ans.
Mobilisation générale de 1939
En 1939, la mobilisation générale touche 5 millions d’hommes, soit un quart de la population masculine, dont la moitié en force combattante et l’autre en administration et gestion. Tous les hommes valides entre 20 et 48 ans sont concernés. A la suite de la défaite de 1940, nombre de conscrits partent en camps de prisonniers et certains ne rentreront qu’en 1944 ou 1945.
En 1946, la durée du service militaire est fixée à 12 mois ; elle est étendue à 18 mois en 1950 et, durant la guerre d’Algérie (1954-1962), certains conscrits passent 28 ou 30 mois sous les drapeaux. La durée est ramenée à 18 mois en 1963.
Avec la fin des conflits (fin réelle ou supposée), le « service militaire » devient « service national » en 1963 et s’ouvre à d’autres formes de « service » que la force combattante : service de défense, coopération (pays étrangers) et aide technique (territoires d’outre-mer). L’objection de conscience est reconnue par la loi (1965) comme le refus d’accomplir des actes militaires potentiellement violents en contradiction avec sa religion ou sa philosophie. En 1971, le temps militaire se stabilise à 12 mois et ne bougera plus.
Jacques Chirac
C‘est en janvier 1996 que le Président Jacques Chirac décide de professionnaliser l’armée et, ainsi, de supprimer la conscription obligatoire.
Le texte est discuté à l’Assemblée nationale puis au Sénat mais le changement de majorité (Lionel Jospin devient Premier ministre à partir du 2 juin 1997) et la cohabitation font qu’un nouveau texte est discuté quelques semaines plus tard. La loi paraît au Journal Officiel le 28 novembre 1997.
Progressivement, les casernes se vident de leurs appelés du contingent et le dernier « bidasse » fait sa « quille » le 30 novembre 2001.
Néanmoins, la loi du 28 novembre 1997 prévoit une Journée d’Appel de Préparation à la Défense (JAPD) qui deviendra en 2011 la « JDC » (Journée Défense et Citoyenneté). Obligatoire, elle concerne les jeunes hommes et les jeunes femmes à égalité, de 17 à 25 ans. Le certificat remis en fin de journée est nécessaire pour pouvoir passer certains diplômes (le bac), les concours pour devenir fonctionnaire et même le permis de conduire.
Cette journée répond à un double objectif d’information et de recrutement. Elle permet de sensibiliser les jeunes Français aux « problématiques de défense », aux droits et devoirs des citoyens, mais aussi de leur présenter les carrières au sein de l’Armée française.
Pendant la campagne des élections présidentielles de 2017, le candidat Emmanuel Macron s’est prononcé pour « un service national de durée courte, obligatoire et universel ». Devenu Président de la République, il a réitéré ce souhait le 13 février 2018 et a estimé qu’un tel service devait durer entre trois et six mois, avec possibilité de le transformer en « service civique » plus long.
Le porte-parole du gouvernement a précisé :
« … c’est un moment de rencontre entre la jeunesse de notre pays et la nation, et en partie son armée, mais ça peut être aussi un engagement civique, comment est-ce qu’on donne de son temps utilement à la nation ? »
Deux députées ont publié fin février (2018) un rapport d’information « sur le service national universel » qui étudie la question.
Le rapport d'information sur le site de l'Assemblée nationale
Les questions militaires sont discutées au Sénat par une commission qui rassemble 49 sénatrices et sénateurs. Cette commission qui porte le nom de "
Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées" étudie actuellement ce projet.
Le lundi 12 mars 2018, ses membres ont visité le 1er régiment de service militaire volontaire de Montigny-lès-Metz (54), dans le cadre de ses travaux.
Vois comment travaillent les Sénateurs...