Les épidémies, cela ne date pas d’aujourd’hui !
7 décembre 2020
Tu as certainement entendu le terme COVID-19.
Il signifie « maladie à coronavirus [apparu en] 2019 ».
2019 ? Oui, même si les plus gros ravages de la maladie ont eu lieu en 2020, les premiers cas ont été détectés dans les derniers mois de 2019.
Le nom scientifique du virus en question est le SARS-COV-2, soit « Syndrome Respiratoire Aigu Sévère-Virus en forme de couronne-2 ».
Pourquoi le « 2 » ? Parce que ce même type de virus a frappé l’Asie entre 2002 et 2004, avec près de 8.000 cas et 774 décès.
Malheureusement, aujourd’hui, le nombre des malades et victimes est beaucoup, beaucoup, plus élevé et l’épidémie (maladie qui frappe en un même lieu un grand nombre de personnes) est devenue « pandémie » (dans une zone géographie très étendue, le monde…)
De nombreuses personnes sont tombées malades à cause de ce virus. Pour s’en protéger, il faut respecter les gestes barrières comme se laver les mains régulièrement, porter un masque et garder ses distances.
Ces gestes ne sont pas une nouveauté.
En effet, notre pays a déjà dû affronter par le passé ces épidémies mortelles que sont la peste, le choléra ou encore la grippe espagnole et, pour lutter contre celles-ci, diverses mesures et remèdes ont été préconisés en leur temps.
La Bibliothèque et les Archives du Sénat conservent plusieurs documents qui attestent de cette lutte constante contre les épidémies et leurs conséquences. Ils montrent aussi que, malgré le temps, les moyens de protection restent (presque) les mêmes.
Il n’est bien entendu pas question de comparer la pandémie actuelle avec celles du passé, de faire un macabre (triste) classement, mais de rappeler qu’elle n’est pas la seule à avoir touché le monde.
Nom de l’épidémie | Dates (période) | Nombre de morts |
Peste antonine (peut-être la variole) | Entre 165 et 190 (apr. J.C.) | 5 millions |
Peste de Justinien | 541 - 767 | 30 à 50 millions soit environ la moitié de la population de l’Empire romain à cette période |
Peste noire | 1331 – 1353 | 75 à 200 millions |
Variole (Aztèques - Mexique) | 1520 | 5 à 8 millions |
Salmonelle (Aztèques - Mexique) | 1545 – 1548 | 5 à 15 millions |
Grande peste de Naples | 1656 | 250 000 et plus de 40% de la population de la ville |
Variole (Islande) | 1707 – 1709 | 18 000 soit plus de 30% de la population de l’île |
Peste de Marseille | 1720 – 1722 | De 30 à 40 000 à Marseille soit près de 45% de la population puis 30% de la population de la Provence |
Choléra Morbus | 1826 – 1851 | Plusieurs millions de morts dans le monde dont 38 000 à Paris et Marseille. |
Choléra | 1849 | 100 700 en France |
Grippe espagnole | 1918 – 1920 | Entre 50 et 100 millions dans le monde |
SIDA | Depuis 1980 | 36 millions |
Voir la liste des grandes épidémies sur wikipedia
En 1720, pour combattre la peste, la ville de Marseille décide d’isoler les malades dans un endroit spécifique, appelé « lazaret » afin de limiter la contagion.
La médaille commémorative ci-contre, dite du « lazaret de Marseille », est conservée dans le médaillier du Sénat. Elle rend hommage aux intendants sanitaires de la ville chargés de prévenir les contaminations.
Pour remercier les soignants qui se sont particulièrement dévoués pour soigner les malades, le Sénat vote en 1884 une loi permettant de leur décerner des croix de la Légion d’Honneur à titre exceptionnel.
La quarantaine ou mise à l’écart des malades contagieux est un moyen efficace pour limiter la propagation du virus, mais d’autres moyens peuvent être mis en œuvre.
Tu as certainement vu ou entendu les annonces du Gouvernement qui nous rappellent les gestes barrières à adopter contre le COVID-19. Mais XIXe siècle, la télé et la radio n’existaient pas encore.
Pour informer la population, des feuillets expliquant comment lutter contre les épidémies étaient imprimés. En 1832 était publiée une « instruction populaire sur le choléra morbus ». Le Sénat en commanda 200.
On peut lire, dans l’exemplaire pour la ville de Troyes :
"Le peu de danger que l'on court d'être atteint du choléra doit rassurer les esprits. Il faut donc ne pas s'inquiéter, et ne penser autrement à la maladie, que pour exécuter les précautions propres à s'en garantir."
Dans un autre ouvrage on trouve ceci qui rappelle le confinement :
"S'il est un moyen efficace de se soustraire aux principes des épidémies contagieuses, c'est, sans contredit, l'éloignement des lieux où elles exercent leurs ravages. […] Lorsque l'éloignement devient impraticable, et qu'on est forcé de rester au milieu de la contagion, un autre moyen de s'en préserver se présente : nous voulons parler de l'isolement entier dans sa maison".
Et puis porter un masque, enfin, la version ancienne des masques…
"Lorsqu'on sera sorti de sa maison, il faudra tenir sur sa bouche et sous le nez de temps en temps un linge mouillé d'eau chlorurée..."
(à consulter sur bnf.fr)
Aujourd’hui, nous utilisons du gel hydro-alcoolique pour nous laver les mains, mais dès le XIXe siècle, l’usage de produits désinfectants est connu et recommandé.
Ci-dessous une publicité pour les désinfectants de la maison Ledoyen en 1854 conservée par la Bibliothèque et les Archives du Sénat.
Hier, comme aujourd’hui, la lutte contre les épidémies nécessite une forte mobilisation des soignants et il faut parfois transformer des locaux afin de pouvoir accueillir plus de patients.
Ainsi pour lutter contre le choléra en 1832, des travaux furent entrepris au Sénat pour aménager une pièce en « ambulance », comme en témoigne l’ordonnance ci-dessous.
" [Il sera alloué] la somme de deux cent quatorze francs quarante-cinq centimes […] pour l’ameublement de l’ambulance établie près la chambre pour les cholériques […] "
Ici, « l’ambulance » n’est pas une voiture avec gyrophare qui emmène les blessés mais une sorte d’hôpital provisoire, temporaire.
Et, les personnes cholériques, avec un « h » ne sont pas celles qui sont en « colère ».
Les épidémies ont des conséquences sur la santé de la population, mais elles ont aussi de graves conséquences sur l’économie. Pour aider ceux qui ne peuvent plus travailler normalement en raison de l’épidémie, des crédits supplémentaires sont votés par le Parlement.
C’est le cas actuellement en raison du coronavirus, mais, déjà au XIXe siècle, le Sénat a voté des crédits supplémentaires pour venir en aide à ceux qui étaient économiquement touchés par l’épidémie cholérique, comme le montre le projet de loi ci-dessous, adopté en juillet 1884.
"Projet de loi […] portant l’ouverture […] de crédits supplémentaires s’élevant à 500.000 francs pour les dépenses occasionnées par l’épidémie cholérique [et] un crédit de deux millions, pour le secours aux populations éprouvées par l’épidémie […]"
Pour te donner un ordre d’idée de ce que ces sommes représentent, à Paris, en 1884, le salaire moyen d’un employé était de 6 francs/jour et de 3 francs environ en province. En 1888, un employé parisien gagnait 1.200 francs par an.
La consultation des archives nous apprend également que ces épidémies cessent un jour, ainsi la peste de Marseille dura-t-elle deux ans, le choléra à Paris dura environ dix-huit mois entre 1832 et 1833 et que la bonne attitude adoptée par chacun permet d’enrayer plus vite ce fléau.