Il y a 50 ans … la légalisation de la pilule contraceptive
17 décembre 2017
Avoir ou non un enfant quand on le désire ? Cette question, l’humanité se l’est posée depuis la nuit des temps.
Il a toujours existé des méthodes ou des astuces pour empêcher la maternité, mais leur fonctionnement était nettement plus aléatoire, et dangereux, que celui la biochimie « moderne ». Dans les années 1950, les scientifiques mettent au point la pilule contraceptive. Restait à définir un cadre légal pour son utilisation.
Il y a 50 ans, le 19 décembre 1967, le Parlement français adopte la loi Neuwirth, qui légalise l’usage de la pilule contraceptive. Mais sa mise en place se fait très lentement.
La première guerre mondiale, la « Grande Guerre », c’est, pour la France près de 1,7 million de morts (1,4 million de militaires et 300.000 civils), auxquels il faut ajouter 4,3 millions de blessés. Une hécatombe de près de 15 % de la population à laquelle il faut ajouter la « grippe espagnole » de 1918-1919 avec ses 400.000 victimes.
Or, à cette époque, on considère encore qu’un pays fort est un pays peuplé.
Il faut donc renouveler la population et faire… beaucoup de bébés français.
Dans cette optique, la contraception, encore imparfaite, devient illégale.
L’Assemblée nationale vote, le 31 juillet 1920 une loi qui réprime la « provocation à l’avortement » et « la propagande anticonceptionnelle ». La vente des moyens de contraception et leur promotion est interdite.
De nombreuses femmes, qui ne veulent pas ou plus avoir d’enfants, décèdent à la suite d’avortements clandestins.
Arrive la Grande dépression de 1929 aux États-Unis, qui touche l’Europe l’année suivante. Face à l’ampleur de la crise, les politiques natalistes deviennent moins populaires. Beaucoup d’enfants, c’est beaucoup de bouches à nourrir. On ressort la pensée de Thomas Malthus (1766-1834) : « Si elle n’est pas freinée, la population s’accroît en progression géométrique. Les subsistances ne s’accroissent qu’en progression arithmétique », que l’on peut résumer ainsi « s’il y a moins à manger, il faut réguler la population donc faire moins d’enfants » ou augmenter les ressources.
Parallèlement au développement des recherches sur les hormones et leur utilisation pour soigner un certain nombre de maladies (insuline pour traiter le diabète, corticoïdes contre les douleurs arthritiques, …), des chercheurs imaginent comment certaines d’entre elles peuvent améliorer la fécondité (des ovins et bovins dans les élevages américains) ou la production de viande.
D'autres recherches sur les humains s’occupent de l’infertilité (ne pas pouvoir avoir d’enfants) puis dérivent vers la contraception. Dès 1921, le médecin autrichien Ludwig Haberlandt fait des découvertes, mais il se suicide face à l’hostilité générale.
Les recherches reprennent après la seconde guerre mondiale et, le 15 octobre 1951, le chercheur mexicain Luis Miramontes synthétise la noréthistérone, le principe actif de la future pilule contraceptive.
Des essais cliniques sont effectués pendant 6 ans dans le monde entier et, en 1957, une première pilule est mise en vente, officiellement pour réguler les troubles menstruels et éviter les fausses couches. Mais, presque aussitôt, elle est prescrite à des fins contraceptives avant de commencer à être officiellement vendue pour cet usage en 1960-61. Après les États-Unis, l’Australie, l’Allemagne et la Grande-Bretagne la commercialisent mais… pas encore la France. La loi de 1920 pose encore l’interdit.
Lucien Neuwirth
Au fil des ans, 10 propositions de loi sont déposées à l’Assemblée nationale, toutes émanant de la gauche. Aucune n’est adoptée.
En 1965, François Mitterrand, candidat à la Présidence de la République, avait inscrit la libéralisation de la pilule dans son programme électoral. La droite, traditionnaliste, restait contre.
Le 18 mai 1966, le député gaulliste (droite) de la Loire Lucien Neuwirth (sénateur de 1983 à 2001) dépose la sienne, soutenu du bout des lèvres par le Général De Gaulle, alors chef de l’Etat :
« C’est vrai, transmettre la vie, c’est important! Il faut que ce soit un acte lucide, continuez ».
Mais, dans son propre camp, Lucien Neuwirth subit de lourdes attaques. On le traite de « fossoyeur de la France » et même « d’assassin d’enfants » !
L’Église catholique (encore puissante) rejette la contraception en arguant qu’avec elle « l’homme et la femme coupent volontairement le lien créé par Dieu entre amour et fécondité ».
Pour ces raisons, il faut attendre presque un an pour que la proposition Neuwirth soit examinée en première lecture à l'Assemblée nationale (11/07/67). Le Sénat amende le texte, dans le processus de la navette parlementaire et la proposition revient à l'Assemblée le 14 décembre pour être adoptée le 19.
Les décrets d’application – qui conditionnent l’entrée en vigueur effective de la loi – ne seront signés par le Président de la République qu’à partir du 3 février 1969. Les derniers ne le seront qu’en 1972 !
Lucien Neuwirth parlera d'un "sabotage délibéré" par la "puissance administrative" qui a "bloqué la préparation et la publication des décrets d’application" (AFP).
- Les contraceptifs seront délivrés sur ordonnances ou certificats nominatifs de non contre-indication.
- Leur usage est limité dans le temps.
- Pour éviter les fraudes, les médecins délivrent "un bon tiré d'un carnet à souche".
- L’accord écrit des parents est nécessaire si la personne est mineure (jusqu’en 1974, la majorité est fixée à 21 ans).
Simone Veil, nouvelle ministre de la Santé sous le mandat du Président Valéry Giscard d’Estaing, fait voter la loi du 4 décembre 1974 qui corrige et va plus loin que celle de 1967 :
- la pilule est remboursée par la sécurité sociale
- elle peut être délivrée gratuitement dans les centres du Planning familial
- elle est accessible aux mineurs, de manière anonyme (la majorité a été ramenée de 21 à 18 ans en cette même année 1974)
Par ailleurs, la loi dite « loi Veil » de janvier 1975, légalise l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Et en 1982, le Parlement vote le remboursement de l’IVG par la Sécurité sociale.
Depuis 1999, la pilule du lendemain ou pilule de contraception d'urgence (PCU) est disponible dans les pharmacies, sans prescription médicale.
Enfin, depuis 2002, elle est délivrée gratuitement et anonymement par les pharmaciens aux mineures qui en font la demande.