Aux grands hommes (et aux femmes illustres), la Patrie reconnaissante
4 juillet 2018
Le dimanche 1er juillet 2018, le Panthéon (Paris 6e) a accueilli sa 76e personnalité :
Simone Veil, rescapée de la Shoah, Ministre de la Santé à qui l’on doit, entre autres, la loi dépénalisant le recours à l’avortement (IVG – 1974), Présidente du Parlement européen (1979-1982), Députée européenne (1979-1993), membre du Conseil constitutionnel (1998-2007), décédée en juin 2017. Elle est accompagnée de son mari Antoine Veil, ancien haut fonctionnaire, décédé en 2013.
Simone Veil est la cinquième femme (seulement !) à être portée au Panthéon. Elle y retrouve la chimiste Marie Curie, et les résistantes Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz.
Un, deux, trois, quatre… Ah, oui ! La cinquième est Sophie Berthelot, épouse du chimiste et Sénateur Marcellin Berthelot, qui avait demandé à ne pas être séparé d’elle, même dans la mort.
« Aux grandes femmes la Patrie reconnaissante » !
Si Simone Veil n’a jamais été Sénatrice, elle est intervenue de nombreuses fois dans l’hémicycle du Sénat, comme ministre.
Elle retrouve au Panthéon un certain nombre de grandes figures de l’histoire de France qui, eux, ont siégé au Sénat.
La plupart d’entre eux furent membres du Sénat Conservateur (1799-1814) pendant la période napoléonienne (Consulat et Empire) :
- François Denis Tronchet († 1806),
- Louis-Pierre-Pantaléon Resnier († 1807),
- Antoine-César de Choiseul-Praslin († 1808),
- Jean-Baptiste Papin († 1809),
- Jean-Pierre Sers († 1809),
- Jean-Ignace Jacqueminot († 1813),
- Jean Rousseau († 1813),
- Antoine-Jean-Marie Thévenard († 1815)
Visitez le dossier d'histoire sur le Sénat Conservateur (site du Sénat).
Restent les deux « Victor », les plus connus : Schœlcher (1804 - 1893) et Hugo (1802-1885).
Journaliste, philanthrope (personne qui agit pour améliorer la vie des moins bien lotis), et homme politique, Schœlcher est révolté, lors de séjours aux Antilles et à Cuba, par le sort réservé aux esclaves.
L’homme noir n'est pas moins digne de la liberté que l'homme blanc […] l'esclavage des nègres est une injure à la dignité humaine, parce que l'intelligence de l'homme noir est parfaitement égale à celle de l'homme blanc.
Aujourd’hui, utiliser le mot « nègre » est choquant, mais nous avons préféré laisser le texte intact. Schœlcher n’était pas insultant, lui qui écrivait en 1847 :
Le seul, l'unique remède aux maux incalculables de la servitude c'est la liberté. Il est impossible d'introduire l'humanité dans l'esclavage. Il n'existe qu'un moyen d'améliorer réellement le sort des nègres, c'est de prononcer l'émancipation complète et immédiate.
Sous-secrétaire d’État dans le gouvernement de 1848, il parvient à faire adopter un décret sur l’abolition de l’esclavage (27 avril).
Élu député de la Guadeloupe et de la Martinique (bien que d’origine alsacienne et né à Paris), proscrit durant le second Empire, il devient Sénateur inamovible en 1875 (sous la IIIe République) et le reste jusqu’à sa mort le 25 décembre 1893 (il aura passé 18 ans et 9 jours au Sénat !).
Raconter la vie de Victor Hugo en quelques lignes est une gageure !
Plusieurs biographes séparent sa vie en deux :
Jusqu’aux « révolutions » de 1830 et, surtout de 1848, Hugo est essentiellement un poète, homme de lettres, auteur de théâtre, pensionné par le Roi de France, royaliste, mais déjà philanthrope, soucieux des miséreux (pas encore des « Misérables » qui sera publié en 1862).
Entre 1848 et 1851 (deuxième République), Hugo devient républicain et passe de la « droite » à la « gauche » et s’oppose à Louis-Napoléon Bonaparte, Président de la République, devenu Napoléon III, après le « coup d’État » de décembre 1851.
Victor Hugo part en exil et devient l’un des plus célèbres opposants à l’Empereur qu’il surnomme « Napoléon le petit » :
Quoi ! après Auguste, Augustule ! Quoi ! parce que nous avons eu Napoléon le Grand, il faut que nous ayons Napoléon le Petit !
Discours à l'Assemblée nationale le 17 juillet 1851
Il revient à Paris en septembre 1870 et est acclamé par la foule mais n’est pas élu aux premières élections législatives de la IIIe République qui ont lieu après « la commune ».
En 1876, il est élu Sénateur et le reste jusqu’à sa mort le 22 mai 1885.
Son cortège funéraire, qui le porte au Panthéon, est longtemps resté comme l'une des foules les plus nombreuses que Paris ait pu voir.
S’ils n’ont pas de lien avec le Sénat, les personnalités suivantes sont les « invités » du Panthéon :
• Voltaire, écrivain, philosophe
• Jean-Jacques Rousseau, écrivain, philosophe
• Condorcet, scientifique, homme politique
• Pierre Jean Georges Cabanis, scientifique, homme politique
• Louis Antoine de Bougainville, explorateur
• Lazare Carnot, révolutionnaire, scientifique
• Sadi Carnot, Président de la République
• Émile Zola, écrivain, journaliste
• Alexandre Dumas, écrivain
• Léon Gambetta, homme politique, ministre
• Jean Jaurès, homme politique, député
• Felix Éboué, homme politique, résistant
• Louis Braille, inventeur du système de lecture pour les aveugles et malvoyants
• Jean Moulin, homme politique, résistant
• Jean Monnet, financier, homme politique, « père » de l’Europe
• André Malraux, écrivain, intellectuel, homme politique
• …
A l'occasion du transfert des cendres du résistant Jean Moulin au Panthéon, André Malraux, alors ministre de la Culture, prononça un discours resté très célèbre :
Comme Leclerc entra aux Invalides, avec son cortège d'exaltation dans le soleil d'Afrique, entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi — et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé. Avec tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files de Nuit et Brouillard, enfin tombé sous les crosses. Avec les huit mille Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes, avec la dernière femme morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à l'un des nôtres. Entre avec le peuple né de l'ombre et disparu avec elle — nos frères dans l'ordre de la Nuit…