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Algues vertes : le Sénat lutte contre une pollution mortelle

29 juin 2021

Si le phénomène n’est pas récent, cela ne veut pas dire qu’il n’est pas grave. Chaque été, une douzaine de baies en Bretagne sont envahies d’algues. Précisément d’« Ulva  armoricana ». Ces algues ressemblent un peu à la salade et peuvent même se manger, comme leur "cousine" qu'on appelle "Laitue de mer".

Pourquoi cela pose problème, alors ?

En fait, trente ou quarante ans en arrière, personne ne se posait de question sur cette algue. Il y en avait une quantité raisonnable dans les mers et échouées sur les plages. Mais, depuis trente ans, leur « prolifération » (multiplication rapide) est à la fois dangereuse et nocive.
En effet, leur quantité et leur décomposition fabrique un gaz très dangereux : le sulfure d’hydrogène (H2S pour les scientifiques). De simples mauvaises odeurs et picotements du nez et des yeux, on peut, en cas de très grande concentration, en arriver à des malaises graves, des arrêts cardiaques et pire.

Le Sénateur Bernard Delcros (Cantal), dans un rapport le remis 26 mai 2021 au nom de la commission des finances du Sénat, constate ainsi que :

Les résultats obtenus au terme de près de vingt ans de politique de lutte contre les marées vertes en Bretagne, dont dix ans de « plans de lutte contre les algues vertes » (PLAV) cofinancés par l’État, sont réels mais ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Quelques jours plus tard, le 4 juin, le tribunal administratif de Rennes a ordonné au Préfet de Bretagne de prendre de nouvelles mesures pour lutter contre les algues :

[Le] renforcement des actions mises en œuvre demeure nécessaire afin de restaurer durablement la qualité de l’eau en Bretagne [pour] prévenir au maximum le phénomène des marées vertes.

Le lendemain, des manifestants, à Rennes, se sont plantés la tête dans le sable, dénonçant la politique de l’autruche de l’État.

Des algues mortelles
Algues vertes en Bretagne - Wikimedia Commons

En 1989, un jogger est retrouvé mort sur un tas de ces algues. En 1999, c’est un ramasseur d’algues qui perd connaissance – heureusement, deux infirmières lui portent secours. Un de ses collègues n’aura pas cette chance en 2009. La même année, un cavalier en réchappe de justesse, mais pas son cheval.

Car les animaux aussi, sont touchés : en 2011, ce sont 36 sangliers qui sont retrouvés morts et les analyses confirment que c’est bien le H2S qui les a tués.

Pour toutes ces raisons, et parce que les algues font aussi fuir les baigneurs et les vacanciers, les « pouvoir publics » (gouvernement et ensemble des services chargés de l'administration d'une région, d’un département ou d’une commune) agissent depuis 30 ans. Mais cela reste insuffisant, d’après les habitants concernés et le rapport du Sénat. Après un pic énorme en 2009, la présence des algues reste à des niveaux inquiétants.

Les algues aiment les nitrates rejetés par l’agriculture et l’élevage
Algues vertes en Bretagne - Wikimedia commons

Nous l’avons vu, les algues sont présentes dans la mer depuis la nuit des temps (ou presque). Mais leur prolifération est récente. Elle se nourrit des rejets de nitrates d’azote dans la mer par les rivières qui se jettent aux estuaires.

Les taux de nitrates élevés dans les eaux bretonnes découlent essentiellement de pollutions « diffuses », liées à l’exploitation intensive des sols par des épandages excessifs d’effluents d’élevage [fumiers et lisiers produits par l’activité agricole et plus particulièrement par l’élevage] et d’un usage massif d’intrants [produits rajoutés afin d'améliorer le rendement de la culture] , tous deux caractéristiques du modèle agricole breton développé à partir des années 1960.

Le rapport du Sénat précise que :

Le centre d’étude et de valorisation des algues (CEVA) a établi que 95 à 98 % des nitrates dans l’eau des bassins versants bretons sont d’origine agricole.

Mais ce n’est pas la seule raison :

Au-delà de la seule qualité de l’eau, la prolifération des algues vertes dans les baies bretonnes découle aussi de facteurs environnementaux et climatiques.

Lutter contre les algues vertes
Goémoniers de Ploguerneau - Stephane DENIEL - Licence Wimedia Commons

La lutte est déjà engagée depuis plus de 30 ans.

[Elle est] déclinée en trois axes :

  • Prévenir, en réduisant les flux d’azote vers les baies via des aides [financières] aux agriculteurs ;
  • Guérir, en ramassant systématiquement les algues vertes échouées sur les plages ;
  • Encourager la recherche sur la prolifération et la valorisation des algues vertes.

Le rapport du Sénat constate que, parce qu’elle est basée sur le volontariat des différents « acteurs » (donc sans obligation ni d’action ni de moyens), cette lutte atteint ses limites – notamment parce que les actions menées pour changer les pratiques des agriculteurs sont insuffisantes.

Pour aller plus loin, les financements devraient être mieux ciblés, les aides pour des actions innovantes devraient être renforcées et étendues, etc.

23 recommandations du Sénat

Sans entrer dans les détails, que tu pourras consulter dans le rapport ou en commençant par sa synthèse, le Sénat définit quatre axes d’amélioration :

 

  1. Améliorer la conduite du plan de lutte entre les différents acteurs ;
  2. Rendre plus lisible le système de financement des actions ;
  3. Privilégier les projets innovants pour changer la production agricole ;
  4. Développer les outils d’analyse et de suivi des actions.