Du Conseil des Anciens au Sénat du second Empire
Ce sont les excès de la Chambre unique, durant les premières années de la France révolutionnaire (1789-1794), qui conduisirent les rédacteurs de la Constitution de l’an III (celle du Directoire) à proposer un système bicaméral, sur le modèle de celui dont l’avocat Jean-Joseph Mounier, député du Tiers état aux Etats généraux, s’était fait l’avocat cinq ans plus tôt :
« Comment empêcher pour l’avenir, dans une seule Assemblée, les erreurs, la précipitation ? Deux chambres au contraire, délibérant séparément, assurent la sagesse de leurs résolutions respectives, et rendent au corps législatif la marche lente et respectueuse dont il ne doit jamais s’écarter »
Le bicamérisme apparut donc en 1795 pour la première fois dans notre histoire, ainsi défendu par le rapporteur de la commission constitutionnelle, Boissy d’Anglas :
« Il faut opposer une digue puissante à l’impétuosité du Corps législatif, cette digue, c’est sa division en deux Assemblées. »
La Constitution sépara donc le Corps législatif en un Conseil des Cinq-Cents, qui avait seul l’initiative des lois, et un Conseil des Anciens de 250 membres, exclusivement chargé d’approuver ou de rejeter, après plusieurs examens, les propositions de loi transmises par les Cinq-Cents.
« Les Cinq-Cents seront l’imagination de la République, les Anciens, la raison », plaida Boissy d’Anglas.
Tel fut le nom que porta l’ancêtre du Sénat dans le cadre de la Constitution de l’an III : le Conseil des Anciens.
Les deux Assemblées étaient élues au suffrage universel indirect, par le même corps électoral et pour la même durée de trois ans, et se renouvelaient toutes deux par tiers chaque année ; le Conseil des Anciens se distinguait seulement par des conditions d’éligibilité plus strictes : ils devaient être âgés de 40 ans au moins, être domiciliés en France depuis 15 ans et être mariés ou veufs. Par ailleurs, la nomination du Directoire était le privilège des Anciens qui choisissaient les cinq Directeurs sur une liste de dix noms par Directeur à élire, élaborée par les Cinq-Cents.
La Constitution de l’an VIII, issue du coup d’Etat du 18 brumaire, constitue une parenthèse historique durant laquelle aucun organe législatif n’était élu.
Constitué de 60 à 80 membres inamovibles et à vie, le Sénat de cette période avait de très nombreux pouvoirs : il désignait les membres du Corps législatif et du Tribunat sur une liste nationale de 6 000 noms issus d’un système de désignation à plusieurs degrés, les « listes de confiance », nommait les trois Consuls et était le gardien de la Constitution. Ultérieurement, il reçut le pouvoir de compléter et d’interpréter la Constitution, de régler la Constitution des colonies, de dissoudre le Tribunat et le Corps législatif, et, enfin, la mission de veiller à la liberté individuelle et à la liberté de la presse.
Avec la Restauration, s’est ouverte une période de monarchie parlementaire où les institutions françaises s’inspiraient largement du régime britannique.
Le Parlement comprenait ainsi deux Chambres, la Chambre des pairs et la chambre des députés. La seconde était élue au suffrage censitaire par un corps électoral étroit (90 000 électeurs environ, puis 180 000 après l’abaissement du cens en 1830) ; la première était composée de membres inamovibles, nommés par le roi à titre héréditaire (jusqu’en 1830), sans limitation de nombre. La Charte soulignait le rôle éminent de la Chambre des Pairs qui disposait de pouvoirs identiques à ceux de la Chambre élue (toutefois, les textes à caractère financier devaient être soumis en premier lieu aux députés). En outre, elle exerçait seule certaines attributions judiciaires : elle était chargée de connaître des crimes de haute trahison et des attentats à la sûreté de l’Etat, et de juger les ministres accusés par la Chambre des députés de « trahison » ou de « concussion ».
Après la Révolution de juillet 1830, la Charte révisée conserva son rôle à la Chambre des pairs, mais le statut de ses membres fut modifié : la pairie cessa d’être héréditaire, et le pouvoir de nomination du roi fut encadré par la détermination de catégories de « notabilités » au sein desquelles le roi devait choisir les pairs. Enfin, les séances de la Chambre des pairs, jusque-là secrètes, deviennent publiques.
Après la Révolution de 1848 et l’avènement définitif du suffrage universel, la IIe République se rallia au monocamérisme. Lamartine entraîna une partie des indécis vers l’Assemblée unique en soulignant que celle-ci serait un rempart contre le risque d’une dictature personnelle.
Le coup d’Etat du 2 décembre 1851 aboutit, par la Constitution de 1852, au rétablissement de certaines des institutions du premier Empire, avec toutefois de notables transformations. Le Sénat, « gardien du pacte fondamental et des libertés publiques », comprenait de 80 à 150 membres, nommés sans condition par l’empereur, inamovibles et à vie ; les cardinaux, maréchaux et amiraux en étaient membres de droit.
Ecoute le Prince Jérôme, président du Sénat, qui ouvre la première session sénatoriale du nouveau régime, le mardi 30 mars 1852 :
Tout projet de loi adopté par le Corps législatif était déféré au Sénat, qui devait s’opposer à sa promulgation s’il le considérait soit comme portant atteinte « à la Constitution, à la religion, à la morale, à la liberté des cultes, à la liberté individuelle, à l’égalité des citoyens devant la loi, à l’inviolabilité de la propriété et au principe de l’inamovibilité de la magistrature », soit comme « pouvant compromettre la défense du territoire ».
Le Sénat, saisi par le Gouvernement ou par « les pétitions des citoyens » pouvait également annuler pour inconstitutionnalité tout acte administratif. Il était par ailleurs compétent pour modifier, en accord avec le pouvoir exécutif, les dispositions de la Constitution autres que les « bases fondamentales » de celle-ci ; il était chargé, dans les mêmes conditions et dans le même esprit, de compléter la Constitution et de l’interpréter ainsi que de fixer la Constitution des colonies et de l’Algérie.
En cas de dissolution du Corps législatif et jusqu’à une nouvelle convocation de celui-ci – qui pouvait intervenir jusqu’à six mois après – le Sénat était habilité à prendre seul, sur proposition de l’Empereur, toute mesure législative urgente. Enfin, le Sénat pouvait proposer à l’Empereur « les bases de projets de loi d’un grand intérêt national ».
L’évolution du régime à partir de 1860 le rapprocha progressivement des pratiques parlementaires de la monarchie de juillet. En 1860, furent rétablis dans les deux Chambres, le droit d’adresse en réponse au discours du trône et la publicité des débats, tandis que des ministres sans portefeuille étaient chargés de défendre les projets de loi devant les Chambres.
En 1869, les pouvoirs des deux Chambres furent considérablement renforcés. Le Corps législatif recevait l’initiative des lois et le droit d’amendement, sans autre limite que la consultation du gouvernement et du Conseil d’Etat. Le Sénat recevait, à côté de son droit de veto suspensif, un droit de veto absolu, sans considération de la violation d’un principe fondamental sur les textes votés par le Corps législatif.
En 1870, une nouvelle Constitution condensa et paracheva l’évolution vers l’Empire libéral. Le régime revenait pratiquement au bicamérisme de la monarchie de Juillet. Le Sénat perdait son pouvoir propre en matière constitutionnelle, mais recevait l’initiative des lois et le droit d’amendement, à l’égal des députés ; le nombre des sénateurs devait être progressivement porté aux deux tiers de celui des députés. La Constitution ne pouvait désormais être révisée que par plébiscite, sur proposition de l’Empereur.
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